Williers

Un Ouirot dans le maquis

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Voici le travail réalisé en 2003 par Hélène Solot et Céline Raymond pour le Concours National de la Résistance à l'initiative de M. Dupont professeur d'histoire du collège de Carignan-Margut et paru dans Le Pays d'Yvois ISSN 1623-6246 Bulletin numéro 9 2004.

 

Un exemple de maquis dans les Ardennes : le maquis du Banel

Robert Briffaut   Robert Briffaut est un Ardennais de Williers. En 1940, il est étudiant au collège Turenne de Sedan, mais le 10 mai, il évacue dans l’Yonne et s'inscrit comme étudiant à Joigny. C'est là, qu'il commence à mettre à son "palmarès" des actions de résistance. Ainsi en septembre 1941, lors d’une promenade avec d'autres collégiens, un gradé allemand les croise sur un pont. Au lieu de lui céder le passage comme le veut "la loi", les étudiants le prennent en tenailles. Lorsque l’officier se dégage enfin, il n’a plus de casquette sur la tête. Plus tard, les étudiants verront flotter celle-ci sur le cours d’eau.

A l'automne 1941, il revient au collège Nassau, le collège Turenne étant occupé par les Allemands. Le fait que le maréchal Pétain ait sa photo dans toutes les classes et qu'à chaque sortie il faille chanter l'hymne à sa gloire, ne fait qu'attiser le feu de la Résistance qui anime plusieurs élèves gaullistes du collège. Ce groupe est composé, entre autres, de Robert Briffaut, Pierre et Maurice Rennesson ainsi que de Robert Dubois (surveillant du collège qui leur ouvrira bien des portes).

Fin 1941 est créé un comité avec pour chef Robert Briffaut. (photo ci-contre)

Des équipes de travail sont constituées, dirigées par des élèves de Nassau et sont dispersées dans le département. Les collégiens externes, en rentrant chez eux, distribuent des tracts et recrutent. C'est ainsi, que rentrant chez lui à Williers pour le week-end où il distribue des tracts dans le café de ses parents, Robert Briffaut rencontre Adelin Husson qui est intéressé par son action et demande à lui parler quelques semaines plus tard. Après une entrevue où il se fait décrire les activités des collégiens, Adelin Husson donne rendez-vous à Robert Briffaut au château du Banel. Celui-ci s'y rend, montre l'implantation des différents groupes sur une carte et Adelin Husson lui propose alors de travailler pour lui. Il accepte et un jour de juillet 1942 naît la Section Française du Banel. Cette section regroupe des S.R. (services de renseignements) et des activités militaires, comme le sabotage.

Après un incendie criminel, Bernard Blé (chef du groupe de Torcy) est arrêté. Mais ne faisant partie de la Section que depuis peu de temps, il ne peut donner, sous la menace de persécution de sa fiancée, que les noms de Rousseau et Briffaut. Renesson est chargé d'ôter les objets compromettants de la chambre de Robert Briffaut. Robert Briffaut est conduit à la Gestapo où il nie ses activités. Etant interne, il ne peut se livrer à des actions qui ont lieu la nuit. Ce qu'il ne dit évidemment pas, c'est que Robert Dubois (surveillant) s'occupe de les faire sortir et rentrer la nuit. Daniel Rousseau et Robert Briffaut doivent, pour être relâchés, signer la promesse qu'il partiront au S.T.O. à la fin de l'année. Le 12 avril, Robert Briffaut entre dans la clandestinité.

D'avril 1943 à juin 1944 commence la création des maquis. Robert Briffaut connaît très bien la forêt du Banel. Il est le premier à créer un maquis ardennais de résistants.

Le 18 juin 1944, le maquis du Banel est attaqué par les Allemands.

 
Le chateau du Bannel avant 1918
Le château du Banel avant 1918

Le bois est alors le théâtre d'événements atroces. Les soldats font prisonniers les maquisards, les torturent avant de les enterrer vivants sous des blocs de pierre. Plusieurs hommes meurent ce jour-là dans d'inimaginables souffrances.
Quelques-uns, dont Robert Briffaut, survivront, car ils avaient pris le maquis de Puilly dans la nuit précédant le massacre. Ils rejoindront par la suite, les Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I.) Henri Vin y échappera également, car il était en mission en Suisse.

Dimanche 21 juin 2009, Robert BRIFFAUT a été fait chevalier dans l'ordre de la Légion d'honneur par le lieutenant-colonel Roland Canivenq, délégué général du Souvenir français, en présence de nombreuses personnalités départementales, cantonales et communales. A 87 ans, celui qui fut longtemps secrétaire de l'association Souvenir du Banel a ainsi reçu la reconnaissance de la nation pour ses actes de résistance à l'ennemi de 1941 à 1945.

Ceremonie de 1948 au Banel
En 1948, cérémonie devant la tombe des martyrs du Banel.

 


Compte rendu d’un entretien avec un ancien de la Résistance. Il nous a parlé de la “jeune résistance”.

- Quel âge aviez-vous et où résidiez-vous quand vous avez commencé à résister?

En 1940, avant que je finisse ma seconde au Lycée Turenne à Sedan, nous avons été évacués. Avec ma famille, nous sommes allés dans l’Aube puis nous sommes revenus clandestinement en juillet 40 à Carignan (zone interdite) avec ma famille. Nous sommes repartis ensuite à Tours où je suis rentré au lycée Descartes pour passer le bac. Enfin nous sommes revenus à Carignan en disant que nous allions en Belgique car les Belges étaient les seuls à être autorisés à rentrer.

- Avec qui avez-vous commencé à résister?

Je m'étais fait beaucoup d'amis pendant mes 2 ans et demi d'internat à Sedan. Nous étions les "anciens de Turenne". C'était plus que de l'amitié, de la fraternité. Nous étions trois amis, R. Briffaut, A. Nicot et moi; c'est R. Briffaut qui a été mis en contact avec Adelin Husson, un résistant belge (depuis 1940). Celui-ci nous a fait participer à la résistance.

- Comment avez-vous résisté ? Où ? Comment s'est développé votre mouvement?

Fin 1941, contacté par Robert Briffaut, je suis officiellement rentré dans le Service Renseignements et Actions (S.R.A.) franco-belge (ce mouvement n'a été reconnu par la France que 10 ans environ après la guerre). Ce mouvement était placé sous la direction d'Adelin Husson. La partie renseignements dont j'étais membre s'occupait essentiellement des informations liées aux chemins de fer, mouvements de troupes allemandes... Elle faisait passer ses messages sur des microfilms cachés entre autre dans des sandwichs. Ils étaient emmenés par des agents de liaisons qui montaient dans des trains de ravitaillement avec la complicité d'agents SNCF (nous avions au moins un agent par gare) jusqu'en Suisse, à Lausanne. De là ils étaient triés en présence d'agent de l'Intelligence Service anglais puis envoyés en Angleterre. Nous avons agi jusqu'un peu après le 18 Juin 1944 et l'attaque du Banel qui a fortement perturbé la ligne de renseignements.
Pendant ce temps en 1942/1943, je fis un stage de 15 mois à la pharmacie de Carignan (endroit idéal pour contacter des gens). Dans la zone occupée, en 1942, ceux de la classe 42 furent mobilisés pour le S.T.O. (Service du travail obligatoire en Allemagne) et les premiers réfractaires de la région entrèrent dans les maquis (dont celui du Banel).
Ils furent membres de la section Actions, firent de petits sabotages et permirent de maintenir une pression sur les soldats allemands. En 1943, il fut décidé de la séparation des parties Renseignements et Actions pour plus de sécurité. La ligne française du service de renseignements à destination de la Suisse, avec laquelle il assurait la liaison, était dirigée par Henri Vin. Cette même année, dans la zone interdite, la classe 43 fut appelée pour le S.T.O ou par l'Organisation Todt (afin de participer à la construction du mur de l'Atlantique). Afin d'échapper à cette réquisition, je dus changer de nom et me cacher. Je continuais à agir la nuit le plus souvent. Jusqu'à la libération, au sein de ma famille, nous avons assuré un rôle de plaque tournante pour le service de renseignements.
Sur le plan national, les sections Actions et Renseignements seront regroupées avec d'autres sous le commandement du Général de Gaulle grâce à l'action de Jean Moulin dans les F.F.I. mais ces F.F.I. s'occupaient plus du secteur Actions.


- Pourquoi vous, les jeunes, vous décidiez-vous à résister?

Alors qu’en cours d’histoire-géographie, on nous apprenait l’Empire français sur lequel le soleil ne se couche jamais, la défaite de 1940 (en deux mois) nous a vexés. De plus, depuis 1935 et l’arrivée des premières armées dans notre région, nous étions en quelque sorte "militarisés". Nous avons eu l’occasion de faire quelque chose et, étant jeunes, nous avons foncé pour défendre des valeurs, mais aussi, et sans doute sans le savoir, par patriotisme, recherche de l’aventure et de l’extraordinaire.


- A quels types de moyens d’informations aviez-vous accès?

Au maquis, on faisait de petits polycopiés à l’aide de petites imprimeries (qui appartenaient aux secrétaires de mairie souvent instituteurs) et une petite gazette nommée "Churchill Gazette". A partir de 1942, j’écoutais la B.B.C. sur une radio "bricolée".


- Y avait-il des filles dans votre groupe?

Il y avait quelques filles, mais il était inimaginable qu’elles aillent dans un maquis. Elles ravitaillaient, s’occupaient du courrier, servaient de "boîte aux lettres", comme "Mary" ou Jacqueline, qui nous ont été très utiles.


- Que s’est-il passé après la guerre pour les jeunes ?

Contrairement aux plus âgés qui ont commencé à obtenir des “positions”, nous avons préféré reprendre nos études pour acquérir une situation sociale qui était encore à faire, nous qui n’avons pour ainsi dire pas eu de jeunesse.


- Quels souvenirs gardez-vous ? Quel message aimeriez-vous faire passer ?

Malgré la mort de certains de mes compagnons, je garde un assez bon souvenir de cette époque, un souvenir de fraternité. Nous ne regrettons rien, nous voulons seulement nous souvenir le plus longtemps possible. Ce qu’il faut retenir de cette période c’est l’esprit de la Résistance. Qui plus est, les jeunes qui mouraient en résistants étaient volontaires et je trouve dommage de voir, qu’aujourd’hui, il y a peu de volontaires pour s’occuper d’associations qui ont pour but de se souvenir.

Tous les ans, une cérémonie a lieu le dimanche suivant le 18 juin. Voir la page Commémoration.

 

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